Gestion de la fortune de placement
Le freinage d’urgence de la politique monétaire a confronté les caisses de pension à un véritable choc sur le plan des taux d’intérêt. Leur capacité de performance a été mise à rude épreuve. Les obligations, en particulier, n’ont pas réussi à déployer leur effet protecteur en 2022. En revanche, les placements illiquides ont légèrement amorti les pertes douloureuses subies par les actions et les obligations.
Fin 2022 et début 2023, le pire semble passé, mais ce n’est pas une raison pour se croiser les bras. Il convient d’optimiser la performance des caisses de pension et de garantir la capacité de performance dans l’intérêt des destinataires à moyen et à long terme.
Si l’on observe l’allocation moyenne des actifs des caisses de pension, les tendances des années précédentes semblent à première vue se poursuivre, au moins en partie, avec la hausse à long terme de la quote-part de l’immobilier ainsi que la pondération plus élevée des placements alternatifs (voir graphique). Mais il existe une différence décisive par rapport aux années passées : les variations des quotes-parts sont surtout dues au marché. Les actions et les obligations ont subi de fortes pertes de cours dont ont profité l’immobilier et les placements alternatifs tels que le private equity. La quote-part de l’immobilier a nettement progressé, surtout grâce à la robustesse de l’immobilier direct. Celle-ci restera assurée tant que les experts chargés des estimations immobilières maintiendront les taux d’escompte au plus bas – ce qui est le cas jusqu’ici.
Selon notre présente étude, 17% des caisses de pension ont procédé à une adaptation de leur allocation stratégique des actifs, et 35% des caisses de pension signalent des révisions tactiques. Nous nous attendons à davantage d’adaptations, vu que l’allocation réelle signalée pour les obligations dans le cadre de notre étude est nettement inférieure à la quote-part recherchée (27,1% contre 30,4%).
L’allocation des actifs largement diversifiée des caisses de pension fournit à chaque assuré individuel ainsi qu’à la collectivité placée sous le toit d’une même caisse une prestation que les assurés individuels ne peuvent pas obtenir sous cette forme en tant qu’investisseurs privés. La gestion fiduciaire des fonds de prévoyance dans l’intérêt des assurés et des caisses de pension est une tâche sociale importante des gestionnaires d’actifs.
Revenons aux résultats des placements de l’année 2022 : les caisses de pension ont terminé l’année en moyenne avec un rendement net de –8,8%. 2022 constitue donc la moins bonne année depuis la crise financière de 2008 (–12,6%).
Ce qui surprend par rapport aux autres années, c’est que la performance négative de 2022 s’accompagne d’une forte dispersion des rendements (ill. 2). Le graphique en boîte à moustaches montre pour 2022 des rendements allant de –16,2% à –1,0%. L’éventail des performances est ainsi deux fois plus large que les années précédentes. Une question s’impose : comment expliquer que certaines caisses s’en sortent particulièrement bien alors que c’est le contraire pour d’autres ? De plus, existe-t-il des différences majeures par rapport à l’année 2008 de la crise financière, s’agissant de la capacité de performance des caisses ?
2022 | 2008 | |
Performance nette | –8,8% | –12,6% |
Plage | –16,2/–1,0% | –23,0/–1,9% |
Taux de conversion | 5,37% | 6,80% |
Découvert (caisses de droit privé) | 1,5% | 71,8% |
Taux d’intérêt technique (caisses de droit privé) | 1,5% | 3,5% |
Source : Études Swisscanto sur les caisses de pension 2008/2023
Les conséquences de la correction du marché n’ont pas été aussi dramatiques en 2022 que 15 ans auparavant (voir tableau). En effet, jusqu’à la fin 2021, la majorité des caisses ont enregistré de bons résultats de placements et ont ainsi pu accumuler de considérables réserves pour fluctuation de valeur. Contrairement à 2008, de nombreuses caisses de pension ne sont donc pas dans l’obligation de prendre des mesures d’assainissement après les mauvais chiffres de 2022.
Dans les années passées, nous avons simulé le risque d’un choc des taux et remis en question la qualité défensive des obligations. Nous nous sommes demandés si un positionnement défensif donnant priorité aux obligations offrirait une protection lorsque la période des taux d’intérêt nuls prendrait fin. Pour cela, nous avons passé au crible l’allocation des caisses qui avaient déjà affiché en moyenne sur les cinq dernières années une performance particulièrement bonne ou particulièrement mauvaise. L’observation portait sur les 10% des meilleures caisses et sur les 10% de celles ayant enregistré les moins bonnes performances. Nous avons ainsi calculé que les caisses qui avaient misé dans le passé sur une quote-part d’obligations élevée, prétendument défensive, de 38,7% en moyenne appartenaient aux 10% des caisses ayant affiché la performance nette la plus mauvaise à la fin de l’année 2022 (voir ill. 3).
En revanche, nous trouvons parmi les 10% meilleures performances une part très élevée, même en comparaison internationale, de placements illiquides et alternatifs (48,5%, voir ill. 3). L’immobilier fait ici partie des placements alternatifs parce qu’à l’exception de la Suisse, il est affecté à cette catégorie dans tous les pays étrangers, à l’instar des placements en infrastructures. La configuration détaillée de l’allocation des meilleures caisses figure également à l’illustration 3. Conclusion : bien qu’une partie du « succès » des placements illiquides puisse s’expliquer d’un revers de main par une évaluation de marché retardée, l’année de placement 2022 montre néanmoins clairement qu’une allocation davantage axée sur les placements illiquides et alternatifs peut avoir une incidence largement positive sur le portefeuille d’ensemble.
Il existe dans les caisses de pension des réalités structurelles qui favorisent systématiquement une performance bonne ou faible.
Les caisses de pension se trouvent sur le chemin du rétablissement, dont le parcours est parallèle aux événements en bourse. Les produits des placements resteront un contributeur central à la prévoyance du 2e pilier. Pour atteindre un niveau de santé permettant d’alimenter durablement les réserves pour fluctuation de valeur et donc d’améliorer à long terme les prestations pour les actifs et pour les retraités, il est recommandé de profiter systématiquement de la capacité de risque individuelle de chaque caisse de pension. Nous le savons : la bonne santé encourage les rendements ! Et à l’inverse : les rendements encouragent la bonne santé !