Étude sur les caisses de pension en Suisse en 2021

Gestion de la fortune de placement

Grandes différences sur le plan de la durabilité et de la performance

imageIwan DeplazesDirecteur Asset Management, 
Swisscanto Invest by Zürcher Kantonalbank

La rentabilité et la viabilité des caisses de pension jouent un rôle central dans la prévoyance vieillesse. De nombreuses personnes pensent que, tout bien considéré, la plupart des caisses enregistrent un résultat similaire. L’étude sur les caisses de pension de cette année vise à dissiper ce mythe. Car il existe des différences parfois considérables entre les diverses institutions de prévoyance. J’en soulignerai particulièrement trois aspects :

  • la gestion des questions de durabilité
  • le très large éventail de rendements
  • la vulnérabilité des caisses face à des taux d’intérêt faibles

La durabilité, un sujet peu abordé par de nombreuses caisses de pension

La question de la durabilité est désormais quasiment omniprésente. Dans le domaine des placements aussi, elle est venue ouvrir une troisième dimension aux côtés du risque et du rendement. De nombreuses caisses de pension ont su repérer les évolutions de notre époque et accordent à ce sujet une importance croissante. Alors que les grandes caisses jouent un rôle de pionnier en se consacrant aux critères ESG, de nombreuses caisses de petite taille courent le risque de rester sur la touche.

Déjà 44% des grandes institutions de prévoyance possédant une fortune de placement de plus de 500 millions de francs se sont dotées dans le règlement de prévoyance d’une disposition visant à appliquer les critères ESG. Les petites caisses sont à peine 14% dans ce cas. L’intégration de critères de durabilité est discutée dans un quart de l’ensemble des caisses de pension.

Au total, les grandes caisses sont nettement plus avancées sur cette voie, puisque 64% appliquent déjà des critères d’exclusion dans leur processus d’investissement. Elles renoncent ainsi, par exemple, à investir dans des entreprises qui fabriquent des armes, dans l’industrie du tabac ou de façon générale dans des pays qui violent les droits de l’homme. Dans les petites caisses, à peine un tiers suit une telle approche pour l’instant.

Les différences parfois prononcées entres les caisses de pension des différents secteurs sont également frappantes. On trouve tout en haut de la liste l’administration publique, où plus de la moitié des caisses ont déjà intégré des critères de durabilité dans le règlement de placement. De même, les caisses du secteur de la santé et des affaires sociales ainsi que les institutions collectives et communes se trouvent dans la bonne moyenne.

Illustration 1: Quelques secteurs présentent un net besoin de rattrapage sur le plan des critères de durabilité

graphic

À l’autre extrémité, on trouve le secteur de la construction, l’industrie manufacturière et le commerce. Le secteur de la construction présente un besoin de rattrapage particulièrement criant : moins de 5% des caisses de pension y tiennent compte de critères ESG dans leur processus de placement, et plus de la moitié n’envisagent même pas d’introduire une disposition correspondante.

C’est sur la question des objectifs concrets de réduction du CO2 que le besoin de rattrapage se fait sentir tout particulièrement. Car jusqu’ici, seulement 4% de l’ensemble des caisses de pension ont fixé un objectif de réduction des gaz à effet de serre pour leur portefeuille. Elles sont cependant 11% à réfléchir à une telle introduction. L’empreinte CO2 est mesurée dans un pourcentage de caisses un peu plus important, mais là aussi, il existe une marge de progression.

« Performance matters »

Toutes les caisses de pension se valent – voilà une affirmation que l’on entend souvent, notamment dans les milieux politiques. En réalité, c’est tout le contraire, car il existe des différences considérables dans la performance des institutions de prévoyance. L’éventail des rendements enregistrés l’an dernier est très large, puisqu’il va de –6,5% pour les plus mauvaises à +12,3% pour la meilleure caisse, et la dispersion est également la même que celle des années précédentes.

En moyenne sur les cinq dernières années, la différence de rendement entre les 10% de caisses les plus performantes et les 10% de caisses les moins bonnes est de près de 3 points de pourcentage par an, soit un total cumulé de 15 points de pourcentage. Cela montre bien que toutes les caisses n’obtiennent pas une performance identique sur leur fortune de placement. L’étude révèle aussi que les différences de performance ne s’expliquent pas par une capacité de risque structurellement moindre. Il existe sur ce plan un levier considérable, en combinaison avec le capital accumulé. Il s’avère que les caisses de pension enregistrant de bons rendements ces dernières années présentent aujourd’hui une santé financière nettement plus florissante.

Illustration 2: Comparaison entre les meilleures et les moins bonnes performances des caisses de pension

graphic
La différence de performance des meilleures caisses de pension par rapport aux moins bonnes est importante et se situe à près de 3 points de pourcentage.

Si l’on porte un peu plus précisément le regard sur l’allocation des portefeuilles, on constate que la part des actions n’a cessé de progresser ces dernières années dans toutes les caisses, pour atteindre un nouveau record l’an dernier.

En moyenne, les grandes caisses ont réalisé ces dix dernières années un rendement supérieur de 0,3 point de pourcentage par an à celui des petites caisses. Si l’on considère le fait que la fortune gérée frôle les mille milliards de francs, on aboutit à une somme gigantesque qui échappe ainsi aux investisseurs. Pour quelles raisons les petites caisses s’en sortent-elles moins bien que les grandes ? Il n’est possible de formuler que des conjectures à cet égard. Ce qui est sûr, c’est que sur le plan des coûts, la plupart des caisses sont à égalité. Toutefois, les grandes caisses investissent davantage dans les placements alternatifs et agissent de manière plus systématique face aux variations sur les marchés des capitaux. C’est également ce que montrent les modifications de l’allocation des actifs sur les dernières années.

En outre, des différences prononcées sont manifestes sur le plan du comportement face aux risques concernant les placements immobiliers. Les caisses détenant la quote-part d’immobilier la plus élevée présentent parfois une part d’immobilier pouvant atteindre 42% de leur portefeuille. Et là aussi, on constate que ce sont notamment les petites caisses qui accumulent ainsi dans leur portefeuille un gros risque non négligeable. Jusqu’ici, cela n’a entraîné aucune incidence négative, mais à l’avenir, il se pourrait que l’importance accordée à l’immobilier local se transforme en handicap.

Et si on laissait vagabonder son imagination à propos des taux d’intérêt ?

Si les caisses de pension acceptent de courir des risques plus élevés, c’est notamment en raison de l’environnement de taux d’intérêt faibles qui perdure depuis des années. Comme il n’est quasiment pas possible d’obtenir des rendements sur les marchés obligataires, les institutions de prévoyance doivent recourir à des classes de placements présentant un risque accru pour pouvoir garantir le versement de la rémunération requise.

Cependant, il est aussi permis de se demander quelles répercussions aurait un relèvement des taux en Suisse comme à l’étranger. Avec la reprise de l’inflation aux États-Unis, ce scénario a récemment cessé d’être invraisemblable. Et là aussi, il existe des différences sensibles quant à la vulnérabilité des caisses de pension envers une telle modification du paysage des taux.

Dans un scénario de hausse générale des taux de 1%, il faudrait escompter des effets prononcés sur la performance pour l’ensemble des caisses. En moyenne, l’effet négatif sur le portefeuille global serait estimé à 4,8%. Une nouvelle fois, l’écart serait sans doute très large entre les meilleures caisses et les moins bonnes. Même dans un tel contexte, la règle applicable reste la même : plus les réactions aux variations structurelles des marchés des capitaux sont vigoureuses, plus il est probable que les rendements soient élevés.

Le présent site web utilise des cookies. En consultant ce site, vous donnez votre accord à l'utilisation de cookies. Pour toute information complémentaire, veuillez vous reporter à notre politique en matière de cookies et prendre note de notre déclaration de confidentialité.