Marge de manœuvre pour verser une rémunération
En 2020, les marchés financiers se sont rapidement remis du choc du coronavirus au printemps pour assurer aux institutions de prévoyance une performance globalement réjouissante. Les caisses de pension ont réussi à améliorer leur stabilité financière et à accroître leurs réserves. Cela crée une marge de manœuvre pour rémunérer davantage les avoirs de prévoyance de leurs assurés en activité, et ainsi réduire la redistribution au profit des retraités.
Les taux de couverture des institutions de prévoyance suisses ont connu une évolution réjouissante en 2020. Malgré l’effondrement de la Bourse dû à la pandémie au premier trimestre, la plupart des caisses ont maintenu leur stratégie de placement et ont ainsi réalisé un bon résultat annuel. Grâce à cette performance solide, les caisses de droit privé ont amélioré leurs taux de couverture en moyenne de 2,2 points de pourcentage. Les institutions de droit public à capitalisation complète ont amélioré leurs taux de couverture de 1,5 points de pourcentage et les caisses de pension de droit public à capitalisation partielle ont même atteint une progression de 5 points de pourcentage. Ce sont notamment les mesures ponctuelles prises par certaines caisses pour améliorer leur dotation en capital qui ont contribué à cette forte hausse. Grâce à la poursuite de la reprise au cours de l’année 2020, les taux de couverture pondérés en fonction de la fortune se situent désormais à leur niveau le plus élevé de ces dix dernières années dans les trois catégories.
En raison des bons résultats de placements et de la hausse des taux de couverture qu’ils ont provoquée, les caisses ont disposé de davantage de ressources. De nombreuses institutions en ont profité pour accroître parfois notablement leurs réserves pour fluctuation de valeur. Ainsi, 69% de l’ensemble des caisses ont déjà atteint au moins à 75% leur objectif fixé en matière de réserves pour fluctuation de valeur. L’an dernier, seulement 63% des caisses étaient à ce niveau. On relèvera tout particulièrement l’augmentation de 29% à 40% dans les institutions d’employeurs publics. Désormais, un nombre croissant de caisses d’employeurs publics dispose d’un taux de couverture supérieur à 100%, qui permet la constitution de réserves pour fluctuation de valeur. D’un point de vue global, les caisses munies d’une réserve sont bien armées pour faire face aux variations futures éventuelles des marchés.
La tendance à la baisse des taux d’escompte pour les capitaux de prévoyance et les provisions techniques s’est poursuivie en 2020. 72% des caisses de pension suisses se sont appuyées sur un taux d’intérêt technique de moins de 2%. En moyenne, ce taux était de 1,59% pour les caisses de droit privé et de 1,86% pour celles de droit public. Cela montre que des taux d’escompte inférieurs à 2%, qui étaient encore inconcevables il y a quelques années, sont largement devenus la réalité.
Cette évolution est logique, car dans le contexte de la poursuite de l’allongement de l’espérance de vie ainsi que de l’environnement des taux d’intérêt faibles, la sauvegarde des rentes constitue le plus grand défi des caisses de pension. L’évolution montre que les institutions de prévoyance sont en train de faire leurs devoirs.
Les taux de conversion ont continué à baisser parallèlement au recul des taux d’escompte. Ainsi, le taux de conversion moyen lors du départ légal à la retraite s’élevait en 2020 à 5,57% pour les femmes et à 5,63% pour les hommes. Pour l’année en cours, les institutions de prévoyance interrogées escomptent une nouvelle baisse : l’estimation du taux de conversion moyen est de 5,46% pour les femmes et de 5,52% pour les hommes.
Les taux de conversion se situent donc dès aujourd’hui pour l’essentiel nettement au-dessous de 6%, donc au-dessous de la grandeur cible prévue par le Conseil fédéral en tant que taux de conversion minimum dans le cadre de l’actuelle révision de la LPP. Cela montre que les adaptations des conditions cadres légales n’ont que trop tardé. Mais cela montre aussi que l’abaissement actuellement discuté ne sera très certainement pas le dernier. Car pour l’avenir, la plupart des institutions de prévoyance s’attendent à de nouvelles baisses du taux de conversion en raison de l’allongement de l’espérance de vie, des taux d’intérêt bas et des paramètres techniques limités.
En 2020, la solide performance des placements a permis aux caisses de verser à nouveau en moyenne une rémunération de plus de 2% sur les avoirs des assurés en activité. Cette rémunération de 2,03% a cependant été nettement moins élevée qu’en 2019, année de très forts rendements des placements, où elle avait atteint 2,64%, mais a une nouvelle fois largement dépassé celle versée sur les capitaux des retraités.
L’éventail entre les diverses caisses a été extrêmement large. Alors que les institutions d’employeurs privés versaient en moyenne 2,17%, le taux n’était que de 1,48% pour les institutions collectives et communes d’employeurs publics. Il n’a pas été surprenant que les institutions de prévoyance ayant des réserves pour fluctuation de valeur entièrement alimentées aient pu accorder une rémunération plus élevée (2,29%) que celles qui ont dû continuer à constituer des réserves (1,84%).
En 2020, les institutions de prévoyance suisses ont heureusement pu réduire leur redistribution entre retraités et actifs. Cela a été possible parce que les taux d’intérêt techniques et les taux de conversion ont été à nouveau abaissés, que les taux de couverture et les réserves pour fluctuation de valeur ont augmenté et enfin que des intérêts plus élevés ont été versés sur les avoirs de vieillesse des assurés en activité.
Les institutions de prévoyance qui ont largement alimenté leurs réserves pour fluctuation de valeur disposent de davantage de ressources libres pour les assurés en activité. C’est là une évolution réjouissante, au vu des pertes que les assurés en activité ont dû subir dans le passé par suite de la redistribution.
Dans le contexte actuel, les tensions entre compétitivité et nécessité d’adaptation des paramètres techniques restent grandes, en particulier pour les institutions collectives. Afin de résister à la concurrence, les fondations collectives et les institutions communes ont tendance à proposer des taux d’intérêt techniques et des taux de conversion plus élevés et présentent en conséquence des taux de couverture moins élevés que les caisses autonomes et partiellement autonomes.
Si les fondations collectives veulent désormais elles aussi s’adapter davantage à la réalité actuelle et future, elles doivent en contrepartie augmenter la rémunération effective versée sur les avoirs de vieillesse des assurés en activité pour rester compétitives. Mais le législateur impose à cet égard des limites étroites à l’amélioration des prestations tant que les réserves pour fluctuation de valeur ne sont pas totalement alimentées. Or, ces réserves sont aujourd’hui nettement moins alimentées en moyenne dans les institutions collectives que dans les autres caisses de pension, de sorte que les bons rendements des placements ne peuvent être répercutés sur les assurés en activité sous forme d’une rémunération plus élevée que dans une mesure limitée.